La théière aux histoires
Un jour j’ai reçu une théière en cadeau.
La personne qui me l'a offerte m'a dit. : « Je sais que tu aimes les contes de fées »
Alors, je l'ai ramenée chez moi et je l'ai mise dans un coin en attendant de la ranger. Je pensais qu'elle serait bien dans ma caisse, là où je mets les objets que j’utilise dans mes décors lorsque je raconte des récits.
Et puis, un soir, en m’endormant il m’est venu une histoire.
J’ai cru que c’était moi qui l’inventais. Mais en fait c’était une toute autre histoire.
J’ai entendu la théière qui me parlait.
« Hein, une théière qui parle ? Mais ça ne parle pas les théières. »
Et pourtant celle-ci me parlait bien. Elle me répétait sans cesse d’écrire ce qu’elle me disait.
Elle me disait qu’elle avait des choses à me raconter. Qu’elle avait beaucoup voyagé. Et que maintenant il était temps de l’écouter.
Il faut dire que cette théière n'était pas de toute jeunesse. Il s’agissait d’une théière d’occasion qui avait bien bourlingué.
Mais attention, pas n’importe quelle occasion.
Pas une occasion qui tousse, qui crache, qui fuit et qui te tâche.
Non, une belle occasion qui avait juste suivi un autre chemin que celui emprunté par ses semblables.
Elle avait atterri dans un joli bouiboui. Un beau bouiboui pour recycler, pour vivre autrement.
Elle me raconta qu’une fois, elle avait été achetée par une personne et que tout de suite elle avait compris quelle serait sa destination.
Elle savait que, cette fois-ci, elle rentrerait dans une drôle de maison. Une maison où l’on sait entendre autrement qu’avec ses oreilles. Une maison dans laquelle les couleurs, les formes, les objets n’avaient pas la même apparence.
Il y régnait une telle énergie qu’à chaque fois que quelqu’un y pénétrait, il se sentait tout bizarre de partout et ne voulait plus en sortir.
On y jouait de drôles de musiques. On y interprétait de drôles de scènes. On y écrivait de drôles d’histoires. On y peignait de drôles de tableaux. On y vivait de drôles d’aventures.
Mais surtout on y entendait une drôle de mélodie.
Cette mélodie était unique en son genre. Ça n’était pas une mélodie comme celle que tu laisses sortir des sillons d’un disque.
Non, il s’agissait d’une mélodie qui venait d’ailleurs.
La théière qui maintenant était arrivée en ce lieu, se demanda d’où pouvait bien provenir cette mélodie.
Elle qui avait tant voyagé, portait en elle des souvenirs nombreux de mélodies entendues de ci, de-là.
Mais celle-ci ne ressemblait à aucune autre.
C’était une mélodie dans laquelle on pouvait se déposer.
Vous savez, comme dans un lit douillet, l’hiver quand il fait froid. C’était une mélodie qui réchauffait.
On pouvait s’y sentir comme dans un cocoon, enveloppé de douceur. Surtout les jours où l’on avait peur.
Mais surtout cette mélodie semblait avoir de grand pouvoir. Les gens qui rentraient en ce lieu en ressortaient toujours guéris, libérés, transformés, apaisés et tout plein de gaité.
La théière qui commençait à se sentir bien à son aise interrogea certains objets qui comme elle avait fini par arriver en cet endroit.
« Mais quel est donc cette mélodie ? D’où vient-elle ? De Quel instrument émane-t-elle ? »
Tous, à l’unanimité, sans hésitation, et avec le même aplomb lui répondaient ceci :
« Il n’y a pas de meilleur endroit pour l’entendre que celui dans lequel tu te trouveras. De là, émanera cette mélodie jouée par le bel instrument. »
Mais qu’est-ce que cela voulait bien dire ?
Elle visita toutes les pièces de la maison, elle grimpa dans toutes les étagères, elle visita même le jardin et tous les moindres recoins. Mais en vain.
La théière commençait à bouillonner, à se gratter le carafon, à se tortiller l’anse dans tous les sens, à siffler du bec...mais rien ne lui venait.
Il s’agissait là d’un grand mystère. Si grand que la théière finît par se perdre dans une infusion de pensées aussi insensées que perchées.
Moi qui croyais qu'elle me raconterait ses aventures tranquilles, ses nombreux voyages.
Voilà, qu’elle m’embarquait dans sa drôle d’histoire !
Et cette douce mélodie, qui se faisait toujours entendre.
Et puis un jour, où elle se trouvait au centre de la table, là où tout le monde pouvait la voir, là où tous les regards se portaient sur elle, elle commença à comprendre.
Quel que soit l’endroit où elle se trouvait, quel que soit le nombre de personne qui s’y trouvait, cette mélodie résonnait.
Sans un mot, comme un chant commun, le lieu, les objets, les personnes, les animaux et tout ce qui y vivait, unifiaient leurs fréquences, tel un instrument.
C’était cela qu’elle entendait et qui émanait aussi de son intérieur...la mélodie du cœur.
Celle de l’instrument de l’amour.
Isabelle MAIRET
5 janvier 2023